Événement de promotion des droits de l’Homme et de distinction des organisations/acteurs tenu depuis une dizaine d’années par le CACIT dans le cadre de la célébration de la journée internationale des droits de l’Homme, la Nuit des droits de l’Homme a eu lieu, pour la 9e édition cette année, le vendredi 13 décembre dernier à l’Organisation de la charité pour un développement intégral (OCDI) à Lomé. Une soirée riche en panels et en remise de prix qui a rassemblé en un lieu des personnalités au nombre desquelles les représentants de l’Union européenne au Togo, les représentants de divers ministères, de la Commission Nationale des droits de l’Homme (CNDH), les ténors des organisations de la société civile et des professionnels des médias.
« S’unir et avancer ensemble pour le renforcement de la prévention et la lutte contre la torture et les mauvais traitements au Togo », c’est le thème retenu cette année pour la célébration de la Journée internationale des droits de l’homme (JIDH) qui coïncide avec le 40e anniversaire de la Convention contre la torture (CAT). Pour le CACIT, ce thème est un appel à une vigilance accrue dans la lutte contre la torture et les mauvais traitements, et une occasion de réfléchir et trouver des solutions face aux poches de résistance, en soulignant l’importance des efforts conjoints des acteurs étatiques et non étatiques pour éradiquer ces pratiques inhumaines et dégradantes. Ainsi deux importants panels ont meublé cette soirée soutenue par Brot für die Welt et l’Union européenne en plus des reconnaissances de prix à 5 organisations pour leur engagement indéfectible dans la défense des droits des détenus et la prévention de la torture au Togo. « Nous avons relevé plusieurs défis notamment en ce qui concerne les questions de détention et de torture, ainsi que les textes législatifs devant lutter contre ces pratiques dans nos pays. En ce qui concerne l’état des lieux de la torture, il est vrai que des progrès ont été réalisés, mais il reste beaucoup à faire. Nous ne saurions être totalement satisfaits des avancées obtenues », estime Claude AMEGAN, président du Conseil d’administration du CACIT.
DEUX IMPORTANTS PANELS SUR LE RENFORCEMENT DE LA PREVENTION ET LA LUTTE CONTRE LA TORTURE AU TOGO
Le premier panel qui a suscité beaucoup de réactions a eu pour thème : « Conditions de détention au Togo » et a été animé par Me Ferdinand Amazohoun, Avocat au Barreau, le Directeur de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion, Idrissou Akibou et le Directeur exécutif du CACIT, Ghislain NYAKU. Selon Me Amazohoun, prise en 1984, cette convention a cette année 40 ans. Du chemin a été fait et cette convention, selon lui, est aujourd’hui devenue le principal outil de défense contre la torture et de promotion des droits de l’homme. Le Togo, a-t-il ajouté, a réussi à l’intégrer dans sa législation. Pour lui, il faut réfléchir aux mesures alternatives à la détention pour éviter de prendre systématiquement un mandat de dépôt. « La prison, telle qu’on l’a aujourd’hui, n’existait pas dans la culture africaine », a-t-il insisté. Le Directeur de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion, Idrissou Akibou, communiquant sur l’état des lieux et les bonnes pratiques pour l’amélioration des conditions de détention, a fait savoir que la surpopulation gagne du terrain dans les 14 prisons civiles au Togo. « Les efforts sont en train d’être faits pour ramener la population carcérale à un taux normal. Mais, chaque mois, les effectifs augmentent à l’exception des mois d’avril et de mai. A cela, il faut ajouter que nombreux qui ont fait la prison, une fois sortis, reviennent systématiquement. Pourquoi ? », a-t-il noté. Pour lui, il n’y a pas à proprement parler une politique de réinsertion. Et, a-t-il souligné, la réinsertion n’est pas l’apanage du gouvernement. « C’est une affaire de tout le monde. Chacun doit apporter sa contribution », a-t-il dit. Le Directeur exécutif du CACIT a, à la suite de M. Akibou, reconnu que le travail pour l’amélioration des conditions dans les lieux de détention doit être l’affaire de tous. Pour lui, les mairies sur le territoire desquels se trouvent des prisons civiles, doivent prendre en compte cet état des choses dans leur programme de développement communautaire (PDC). Il a aussi pointé du doigt l’instauration d’un partenariat public-privé qui a fait ses preuves dans d’autres pays. Ce partenariat basé sur des secteurs donnés, notamment la santé, l’alimentation et autres, peuvent permettre à ce que plusieurs secteurs d’activités peuvent intervenir pour assouvir ces conditions.
Le second panel a porté sur « la prévention de la torture au Togo ». Pour décortiquer le sujet, trois panélistes : Garba Gnambi Kodjo, 2e Vice-président de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) ; Marius Essohana Tontasse, enseignant-chercheur à la Faculté de droits de l’Université de Lomé et Bruno Handel, Président de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture au Togo (ACAT-Togo). Dans son intervention, le représentant de la CNDH s’est employé à dérouler le cadre légal et institutionnel contre la torture, notamment le Mécanisme national de prévention de la torture (MNP), les actions de prévention menées par la CNDH parmi lesquelles des visites dans les prisons du Togo, des plaidoyers pour la facilitation de l’accès aux lieux de détention. Des actions somme toute utiles, mais visiblement limitées. Universitaire de son état, Dr Marius Tontasse a eu une lecture un brin critique du cadre juridique. « On a adopté un code pénal, mais est-ce qu’on a suffisamment armé le juge en adoptant un code de procédure pénale ? Est-ce que le juge peut convenablement accomplir sa mission ? », s’est-il interrogé, relevant des « limites » au MNP. Quant au Président de l’ACAT-Togo, il a tracé des pistes de collaboration pour la prévention de la torture. Parmi les mesures prônées, le renforcement des capacités des membres des organisations de défense des droits de l’Homme et des OSC, une collaboration plus forte avec la CNDH… « Il faudrait que l’Etat donne plus de moyens aux instances qu’il crée lui-même, à la CNDH plus de moyens financiers, humains et matériels pour que le Mécanisme puisse être animé convenablement. Il faudrait aussi qu’il limite ses influences sur la CNDH, en fasse un organe suffisamment autonome, forme les forces de l’ordre », a tracé M. Tontasse. « L’un des plus grands obstacles, c’est l’impunité. Si on arrive à punir les auteurs de ces actes, demain d’autres ne les commettront plus », croit-il fermement.
PRIMÉES POUR LEURS EFFORTS EN FAVEUR DU RESPECT DES DROITS DES DÉTENUS
L’autre fait marquant de la soirée est la récompense de cinq organisations qui se sont particulièrement distinguées pour leur engagement indéfectible dans la défense des droits des détenus et la prévention de la torture au Togo. Leur travail acharné, a été salué par le CACIT. Il s’agit de Solidarité Mondiale pour les Personnes Démunies et les Détenus (SMPDD), Fraternité des prisons du Togo, BNCE-Togo (Bureau National Catholique de l’Enfance au Togo), Creuset-Togo et Espoir Vie – Togo. « Je dédie ce trophée à nos collègues qui luttent pour les droits de l’homme dans les établissements pénitentiaires », se réjouit Coco de Kofi Woenanyon, président de la SMPDD, qui a tenu à adresser un message de courage aux jeunes en détention et à leur dire qu’il existe une vie après la prison.
Par ailleurs, des prix ont été décernés à trois jeunes ayant mené avec succès une campagne digitale faite autour des 33 articles de la CAT. Cette campagne, il faut le rappeler, visait à renforcer le niveau de connaissance des populations sur cette Convention.