Intervenant : Marcus DAKLA, Chargé de monitoring et du suivi des mécanismes de protection des droits de l’Homme au CACIT
M. le Président, mesdames et messieurs les membres du Comité des Droits de l’Homme,
Mesdames et Messieurs,
C’est un véritable honneur pour le Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo (CACIT) de partager avec vous l’état de la mise en oeuvre des recommandations du CDH depuis le dernier passage du Togo.
Le CACIT salue les efforts du gouvernement en vue de répondre à ses engagements internationaux et l’ouverture constante au dialogue avec la Société Civile et les Nations Unies en vue de faire avancer la situation des droits de l’Homme dans le pays. Toutefois, il y’a lieu de déplorer la persistance des cas de violations des droits de l’Homme, notamment lors des évènements intervenus entre 2013, 2017, 2020 et qui ont remis en cause l’effectivité de l’Etat de droit au Togo, détaillé dans le rapport alternatif.
L’intervention du CACIT touchera essentiellement trois points, à savoir le droit à la vie l’indépendance de la justice et l’impunité.
I-SUR LE DROIT A LA VIE
Le CACIT déplore une vingtaine de décès documentés liés au contexte sociopolitique et à la gestion de la crise sanitaire de la Covid-19. En exemple :
1- Le cas de David K. GUELI,
Agé de 38 ans, employé dans une usine de production de sachets au port autonome de Lomé, et qui aurait été battu à mort par la FOSAP le samedi 11 avril 2020 dans un quartier appelé « Avedzi-limousine », alors qu’il quittait son travail (Zanguéra, périphérie de Lomé) pour le quartier de Adakpamé où il réside. A ce jour, nous n’avons connaissance d’aucune décision sur cette affaire.
2-Cas de Rachad AGRIGNA et autres
Le 05 mars 2021, les parents des 04 enfants tués lors des manifestations de 2017 et 2018, Rachad AGRIGNA, Joseph Kokou ZOUMEKEY, ldrissou MOUFIDOU et Ino Tchakondo NAWA, ont dans une conférence de presse rappelé leur désir d’obtenir justice. A ce jour, nous n’avons connaissance d’aucune décision sur ces affaires.
II- SUR L’INDEPENDANCE DE LA JUSTICE
Le principe d’inamovibilité garanti par l’article 114 de la Constitution de 1992, constitue l’une des garanties principales de l’indépendance des magistrats vis-à-vis des pouvoirs politiques. C’est une prérogative qui permet de ne pas déplacer, rétrograder ou suspendre certains magistrats avec la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire bien encadrée. En dépit ces acquis dans le système judiciaire, la problématique de l’indépendance de la justice togolaise se pose avec plus d’acuité.
En effet, certaines insuffisances rendent quasi impossible l’indépendance de la justice telles que :
- L’adoption d’un nouveau code de procédure pénale en lieu et place de l’actuel datant de 1983 qui est obsolète et inadapté au code pénal adopté en 2015 ;
- La loi organique N°96-11 du 21 août 1996 fixant le statut des magistrats a été modifiée par la loi organique N°2013-007 du 25 février 2013. Toutefois, cette loi ne comporte pas de dispositions nouvelles pour assurer une indépendance des magistrats vis-à-vis de l’Exécutif ;
- La mise en oeuvre de la loi sur l’aide juridictionnelle, adoptée le 27 mai 2013, mais dont les décrets d’application peinent encore à être pris demeure également une préoccupation majeure ;
- Le faible budget octroyé au ministère de la justice soit les 1% du budget national.
- Et enfin, l’insuffisance des magistrats. Selon quelques sources judiciaires, le pays comptait en 2018, deux cent quarante-trois (243) magistrats en fonction (y compris
ceux qui sont à la chancellerie et ceux en détachement), pour une population de 7 millions d’habitants. Ce qui fait un ratio d’un (01) magistrat pour environ vingt-neuf mille (29. 000) habitants.
III- SUR LES CAS D’IMPUNITÉ
Depuis les affaires d’incendies des grands marchés de Lomé et de Kara en janvier 2013, l’affaire Kpatcha GNASSINGBÉ et l’affaire AMETEPE Koffi en 2013, l’État togolais a été condamné à verser des dommages et intérêts. Bien que l’État ait procédé́ aux réparations en versant 532 millions de francs CFA aux victimes comme préconisé́ par les décisions de la Cour de la CEDEAO, aucun responsable de ces crimes n’a été puni.
Aucune mesure n’a été prise en réponse aux allégations de torture sur M. Mohamed Loum arrêté en janvier 2013, à la suite des incendies qui ont détruit Les marchés de Lomé́ et de Kara. En novembre 2018, il a bénéficié d’une liberté provisoire dans le cadre des mesures d’apaisements politiques.
Entre 2012 et 2019, trente-deux (32) plaintes relatives aux violations des droits de l’Homme ont été déposées auprès du parquet du Tribunal de Lomé. Dans le contexte de la crise sanitaire de la COVID-19, 01 requête pour demande d’autopsie a été déposée par le CACIT le 12/05/2020 sur le corps de GUELLY Kodzotsè auprès du Procureur de la République du tribunal de Lomé. Le 08 juin 2021, quatre (04) recours en indemnisation pour atteinte à l’intégrité physique de la personne ont été déposées au cabinet du ministère de la sécurité et de la protection civile.
Il faut relever qu’aucune des plaintes déposées n’a été instruite à ce jour en dépit des relances régulières des avocats et des OSC au parquet.
RECOMMANDATIONS
Au regard de tout ce qui précède, le CACIT encourage le Comité à recommander de nouveau à l’Etat togolais de :
- Faire aboutir assez diligemment les enquêtes ouvertes par le gouvernement, situer les responsabilités et sanctionner les auteurs conformément à la loi ;
- Adopter dans les plus brefs délais le nouveau code de procédure pénale adapté aux innovations apportées dans le code pénal de 2015 et le code de l’organisation judiciaire ;
- Réviser la loi portant code de l’organisation judiciaire pour mettre en place un juge des libertés ;
6) Allouer au ministère de la justice un budget à même de mettre en place les infrastructures et recruter le personnel nécessaire pour la mise en œuvre effective de la loi portant code de l’organisation judiciaire.
Monsieur le Président, mesdames et messieurs les experts, je vous remercie